L’intelligence est multiple. En 1983, H. Gardner, psychologue américain, en décrit huit types : l’intelligence logico-mathématiques, l’intelligence verbo-linguistique, l’intelligence spatiale, l’intelligence intrapersonnelle, l’intelligence kinesthésique, l’intelligence inter-personnelle, l’intelligence musicale et enfin l’intelligence naturaliste.

Lorsqu’on évoque l’enfant ou l’adulte surdoué, c’est-à-dire à haut potentiel intellectuel (HPI), on fait référence à l’intelligence mesurée par les tests de Q.I. (quotient intellectuel) et qui regroupe l’intelligence logico-mathématiques et l’intelligence verbo-linguistique.

L’adulte à HPI fait l’objet aujourd’hui de nombreux ouvrages. On peut citer particulièrement ceux de M. Nicolas Gauvrit (« Les surdoués ordinaires ») et de Mmes Sylvie Brasseur et Catherine Cuche (« Le haut potentiel en question »). Ces derniers évitent l’écueil de nombreux ouvrages sur le sujet, à savoir la généralisation abusive des observations des cliniciens à l’ensemble des personnes à HPI.

Un Q.I. est une mesure psychométrique et pas un diagnostic. Avoir un H.P.I. n’est pas une pathologie ! C’est avant tout une chance ! Chez l’enfant et l’adolescent, il est positivement corrélé à la réussite scolaire (avec ou sans aide spécifique) et plus tard à la réussite professionnelle.

Adultes à HPI : définition de la douance

La douance désigne avant tout un fonctionnement cognitif particulier : posséder un Q.I. supérieur ou égal à 130. Ceci va se refléter à travers les résultats obtenus aux subtests du test de Q.I., à savoir une vitesse de traitement de l’information élevée, un excellent raisonnement logico-mathématique et enfin de très bonnes capacités attentionnelles et de mémorisation. Un Q.I. peut être « homogène » (on est « très bon » partout), ou plus ou moins « hétérogène » (les résultats des indices du test sont plus ou moins hauts, voire parfois un ou deux se situent dans la normale et sont compenser par d’autres particulièrement hauts).

2,15% de la population ont un Q.I. entre 130 et 145 (on parle de HQI : haut quotient intellectuel) et 0,13% au-delà de 145 (on parle de THQI : très haut quotient intellectuel).

Si le critère d’un Q.I. supérieur ou égal à 130 fait l’unanimité chez les spécialistes de la question, il existe différents modèles théoriques différents développés autour du HPI que Robert Sternberg, psychologue et professeur de psychologie cognitive, a réparti en quatre vagues. Les recherches dans ce domaine ont commencé il y a environ un siècle et pourtant un consensus n’a toujours pas émergé.

Au-delà de ça, en cabinet, de nombreux psychologues cliniciens observent chez les adultes à HPI qui consultent un fonctionnement psychique spécifique  : hypersensibilité, la susceptibilité, sens de la justice développé, grande empathie … Mais attention : aucune étude n’a démontré un lien formel entre ces traits de fonctionnement psychologique et le fait d’avoir un HPI. Tous les adultes HPI n’ont pas ce fonctionnement psychique. En revanche, ce profil psychologique qui est fréquemment retrouvé chez les adultes à HPI qui viennent en consultation.

Deux autres caractéristiques ont en revanche fait l’objet d’un peu plus de recherche et montré une corrélation positive avec les personnes à HPI. Il s’agit de l’hyperesthésie (le fait de ressentir plus intensément par le biais des cinq sens : odorat plus fin, toucher plus sensible …) et de la créativité.

Accepter sa différence de fonctionnement va être la première étape pour pouvoir en tirer le meilleur. En effet, construire un ego sur ça ou au contraire vouloir la cacher et s’adapter à ce (qu’on pense) que les autres attendent de soi amène  à une construction en faux-self et au long cours, à l’installation d’un sentiment d’isolement.

Trois étapes vers le mieux-être

L’adulte à HPI n’est bien heureusement pas toujours en souffrance. Parce qu’il a eu des parents eux-mêmes à HPI et épanouis ou parce que ses parents non surdoués et son entourage (familial, scolaire et social) ont pu accompagner cette différence.

La première étape du travail est d’accepter cette différence de fonctionnement : « Je pense plus vite que certaines personnes de mon entourage, je m’ennuie vite si je n’ai pas de choses nouvelles à penser ou à vivre … ». Il est importent de ne pas impliquer l’ego ici. Il n’y a pas de fierté ou de honte à avoir un HPI. C’est un fonctionnement cognitif qui ouvre notamment de nombreuses possibilités d’accomplissement intellectuel, ce qui est une chance immense. On peut en être très heureux, mais ne pas en faire une histoire d’ego est important.

La deuxième étape va être de ré-apprivoiser ces différences et de travailler, si nécessaire, l’estime de soi : lorsque cette différence de fonctionnement est pour x raisons, mal intégrée, mal comprise car rendue responsable par la personne de tous ses problèmes, elle va impacter, comme tout autre élément de la personnalité, l’estime de soi. Celle-ci va alors parfois être trop basse (« Je suis différent, je comprends trop vite et c’est pour ça qu’on me rejette, je ne saurai jamais m’intégrer … ») ou trop haute  (« Je suis plus intelligent que les autres, c’est pour ça que je n’ai pas d’amis. »). Dans les deux cas, la personne rencontre des difficultés d’intégration sociale dont l’origine ne se situe pas exlusivement dans ce fonctionnement cognitif. Il y a effectivement chez l’enfant surdoué une dyssynchronie globale (Terrassier, 1979), interne et sociale, qui peut le mettre en difficulté dans la relation à ses pairs. La dyssynchronie interne regroupe trois décalages : entre sa maturité intellectuelle et sa maturité affective, entre sa maturité intellectuelle et son développement psychomoteur et entre les différents secteurs de son développement cognitif. La dyssynchronie sociale regroupe deux décalages : entre son rythme de développement cognitif et le rythme de progression scolaire et entre ses centres d’intérêt et ceux des autres de son âge.

Une fois adulte, la difficulté à s’intégrer socialement va engendrer deux grands types de comportement : le rejet ou la quête éperdue d’approbation. Dans le premier cas, l’adulte HPI va passer son entourage au crible de l’intelligence logico-mathématiques. Ceci va l’amener à un sentiment d’isolement et d’ennui : « leurs sujets de préoccupation sont trop superficiels, pas assez intellectuels ; j’ai envie de m’isoler, de partir … ». Dans le deuxième cas, l’adulte HPI va chercher à déceler ce que l’entourage pourrait attendre, afin de « rentrer dans le moule ». Là aussi, ennui et souffrance sont à la clé. Un travail sur l’estime de soi est ici indispensable pour sortir de ces deux polarités sources de souffrance émotionnelle. Il est donc préférable d’observer et d’écouter les autres pour percevoir leurs richesses et leurs particularités. En effet,  Cela permet donc de mieux s’accepter et d’oser montrer ses propres différences. Prendre conscience de la complémentarité des êtres humains permet d’être mieux intégré et plus heureux en société.

Enfin, la dernière étape consiste à tirer le meilleur de son fonctionnement : ce fonctionnement cognitif particulier permet une grande créativité. Le terme de créativité est à entendre au sens large. Il ne s’agit pas seulement du domaine artistique. On peut être créatif dans sa manière de penser son quotidien, d’élever ses enfants, de gérer son travail, de vivre son couple … Chez l’adulte surdoué, la créativité est particulièrement à développer. D’abord car elle préserve d’un ennui mortifère et ensuite car elle fait travailler l’imaginaire et pas seulement la sphère cognitive, déjà très active.

Comment s’épanouir au travail ?

L’adulte à HPI a besoin d’avoir plusieurs projets à mener en parallèle. Performant et rapide, il s’ennuie vite s’il n’a pas de « grain à moudre » intellectuellement. Cependant il est important de définir un ordre de priorité et d’accepter d’en laisser certains de côté. En effet, le gout de la connaissance et l’accès aujourd’hui quasi-illimité à l’information peut entraîner un éparpillement et un passage à l’action toujours différé. Lorsque vous vous lancez, faites-le sans trop réfléchir, vous rectifierez ce qui doit l’être ensuite. Lorsque des idées arrivent, notez – les (pour ne pas vous interrompre ou pour plus tard si vous êtes occupé à autre chose) et restez canalisé de manière constructive. Lorsque le projet est terminé, passez à autre chose. Renoncer à certains projets, choisir, s’arrêter alors que tout est toujours perfectible fait partie des traits de fonctionnement sur lesquels l’adulte à HPI doit souvent travailler.

Certains auteurs conseillent de faire plusieurs choses en même temps (par exemple, penser à son projet en faisant son jogging ou en cuisinant) car cela convient parfaitement au fonctionnement cognitif particulier de l’adulte à HPI (traitement très rapide de l’information, excellent raisonnement logis-mathématique, grandes capacités attentionnelles et de mémorisation). Cela lui permet de laisser mûrir ses projets avant de passer à l’action. Certes cela fonctionne très bien mais ce conseil a ses limites notamment car sur le plan émotionnel, cela favorise la mise à distance des émotions qui peut parfois devenir une fuite en avant : penser, penser encore et toujours pour ne pas ressentir. Il va aussi à l’encontre de l’idée de pleine conscience à savoir : être là, dans l’ici et maintenant. Donc être multitâche est certes productif et agréable pour l’adulte à HPI mais cela ne doit pas être un fonctionnement permanent.

A moins de travailler seul, l’adulte à HPI va devoir s’adapter à ses collègues qui ne sont pas tous forcément à HPI. Ces derniers ont besoin d’établir des plans : une chose, une idée après l’autre. Pour l’adulte à haut potentiel qui est très intuitif, pense vite et analyse plusieurs choses en même temps, faire des listes et des plans complique énormément les choses et, à ses yeux, de manière forcément inutile. Mais faire cette concession est parfois indispensable. En effet, l’adulte à HPI a de nombreuses idées. Comme elles lui apparaissent comme une évidence, le problème pour lui est souvent de les formaliser pour les exposer : comment expliquer ce qui semble couler de source ou comment les agencer lorsqu’elles ne sont encore qu’une ébauche ? De plus, parce qu’il pense vite et que son engagement émotionnel va souvent de pair avec ses pensées, il a du mal à accepter que les autres ne voient pas directement qu’il a eu une bonne idée. Les autres ont besoin d’un cheminement de pensée plus long, cela prendra donc un peu de temps. Il vous faut justifier votre raisonnement et dérouler un raisonnement logique pour convaincre. Même si cela vous paraît fastidieux et ennuyeux, détailler votre raisonnement peut vous amener à voir d’éventuelles lacunes, penser à d’autres éléments et vos collègues peuvent aussi insérer leurs idées. Accepter ce temps se travaille aussi en thérapie. L’adulte à haut potentiel doit garder en tête que les autres ont aussi un effort à faire pour s’adapter à son fonctionnement. Ils vont moins vite que vous : c’est une chose à accepter. Et, encore une fois, ne pas oublier que l’intelligence logico-mathématique n’est pas la seule forme d’intelligence. Savoir repérer les forces et atouts des autres permet de bien mieux accepter leur lenteur dans le raisonnement. On devient alors complémentaires au lieu de se sentir seul et agacé et les différences peuvent être vécues de manière plus légère.
De plus, l’adulte à HPI travaille plus efficacement dans l’urgence. Là non plus, ce n’est pas le cas des autres personnes. A vous de voir ce que vous pouvez réfléchir, concevoir et gérer à votre manière et à votre rythme et ce pour quoi il faut vous adapter.
Enfin, un travail en demi-régime, répétitif et sans créativité, va fortement impacter et de manière négative votre humeur. Votre profession doit absolument être source d’épanouissement et de créativité.

Au quotidien et dans votre profession, il vous faut écouter votre intuition car elle est nourrie par de nombreuses informations emmagasinées sans toujours vous en rendre compte (traitement rapide de l’information et grandes capacités de mémorisation). Vous pensez et analysez plus vite, c’est une richesse, faites-vous confiance !

Audrey Contraire